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près l’un de l’autre, nous devinions mutuellement nos pensées tristes, sans avoir besoin de troubler ce silence pour nous les communiquer. — Les frêles poissons et les tout petits lézards bleus se promenaient aussi tranquillement que s’il n’y eût eu là aucun être humain ; nous étions tellement immobiles, que les varos, si craintifs, sortaient des pierres et circulaient autour de nous.

Le soleil qui baissait déjà, — le dernier soleil de mon dernier soir d’Océanie, — éclairait certaines branches de lueurs chaudes et dorées : j’admirais toutes ces choses pour la dernière fois. Les sensitives commençaient à replier pour la nuit leurs feuilles délicates ; — les mimosas légers, les goyaviers noirs, avaient déjà pris leurs teintes du soir, — et ce soir était le dernier, — et demain, au lever du soleil, j’allais partir pour toujours…… Tout ce pays et ma petite amie bien-aimée allaient disparaître, comme s’évanouit le décor de l’acte qui vient de finir……

Celui-là était un acte de féerie au milieu de ma vie, — mais il était fini sans retour !… Finis les rêves, les émotions douces, enivrantes, ou poignantes de tristesse, — tout était fini, était mort……