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pas connu d’amants européens, c’était tout ce que j’avais désiré apprendre. — J’avais conservé au moins sur son imagination une sorte de prestige que la séparation ne m’avait pas enlevé, et qu’aucun autre que moi n’avait pu avoir ; à mon retour, tout l’amour que peut donner une petite fille passionnée de seize ans, elle me l’avait prodigué sans mesure, — et pourtant, je le voyais bien, — en même temps que nos derniers jours s’envolaient, Rarahu s’éloignait de moi ; elle souriait toujours de son même sourire tranquille, mais je sentais que son cœur se remplissait d’amertume, de désenchantement, de sourde irritation, et de toutes les passions effrénées des enfants sauvages.

Je l’aimais bien, mon Dieu, pourtant !

Quelle angoisse de la quitter, et de la quitter perdue……

— « Oh ! ma chère petite amie, lui disais-je, ô ma bien-aimée, tu seras sage, après mon départ. Et moi, je reviendrai si Dieu le permet. Tu crois en Dieu, toi aussi ; prie, au moins, — et nous nous reverrons encore dans l’éternité.

« Pars, toi aussi, lui disais-je, à genoux ; va, loin de cette ville de Papeete ; va vivre avec Tia-