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Le grand Téharo marchait près de moi, rêveur et silencieux comme un Maori, et je tenais par la main l’enfant de mon frère.

De temps à autre, la voix douce de Taamari s’élevait au milieu de tous les grands bruits monotones de la nature ; ses questions d’enfant étaient incohérentes et singulières. — J’entendais cependant sans difficulté le langage de ce petit être, que bien des gens qui parlent à Tahiti le dialecte de la plage n’eussent pas compris ; il parlait la vieille langue maorie à peu près pure.


Nous vîmes poindre sur la mer une pirogue voilée, qui revenait imprudemment de Tahiti ; elle entra bientôt dans les bassins intérieurs du récif, presque couchée sous ce grand vent d’alizé.

Il en sortit quelques indigènes, deux jeunes filles qui se mirent à courir toutes mouillées, jetant au vent triste la note inattendue de leurs éclats de rire.

Il en sortit aussi un vieux Chinois en robe noire, qui s’arrêta pour caresser le petit Taamari, et tira de son sac des gâteaux qu’il lui donna.

— Cette prévenance de ce vieux pour cet enfant, et son regard, me donnèrent une idée horrible…