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laissé un souvenir fantastique comme celui d’un rêve.

Depuis cet endroit jusqu’au district d’Afareahitu vers lequel nous nous dirigions, le pays n’est plus qu’une étroite bande de terrain, longue et sinueuse, resserrée entre la mer et les mornes à pie, — au flanc desquels sont accrochées d’impénétrables forêts.

Autour de moi, tout semblait de plus en plus s’assombrir. Le soir, l’isolement, la tristesse inquiète qui me pénétrait, prêtaient à ces paysages quelque chose de désolé.

C’étaient toujours des cocotiers, des lauriers-roses en fleurs et des pandanus, — tout cela étonnamment haut et frêle, et courbé par le vent, Les longues tiges des palmiers, penchées en tous sens, portaient çà et là des touffes de lichen qui pendaient comme des chevelures grises. — Et puis, sous nos pieds, toujours cette même terre nue et cendrée, criblée de trous de crabes.

Le sentier que nous suivions semblait abandonné ; les crabes bleus avaient tout envahi ; ils fuyaient devant nous, avec ce bruit particulier qu’ils font le soir. — La montagne était déjà pleine d’ombres.