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nos impressions ; bien que je fusse vêtu comme eux, et que je comprisse leur langage, j’étais isolé au milieu d’eux tous, autant que dans l’île du monde la plus déserte.

Je sentais lourdement l’effroyable distance qui me séparait de ce petit coin de la terre qui est le mien, l’immensité de la mer, et ma profonde solitude…

Je regardai Taamari et l’appelai près de moi ; il appuya familièrement sur mes genoux sa petite tête brune. Et je pensai à mon frère Georges qui dormait à cette heure du sommeil éternel, couché dans les profondeurs de la mer, là-bas, sur la côte lointaine du Bengale. — Cet enfant était son fils, et une famille issue de notre sang se perpétuerait dans ces îles perdues…


— « Loti, dit en se levant la vieille Hapoto, viens te reposer dans ma case, qui est à cinq cents pas d’ici sur l’autre plage. Tu y trouveras de quoi manger et dormir ; tu y verras mon fils Téharo, et vous conviendrez ensemble des moyens de retourner à Tahiti, avec cet enfant que tu veux emmener. »