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VII

Rarahu et moi, nous passâmes la soirée à errer sans but dans les avenues de Papeete ou dans les jardins de la reine ; tantôt nous marchions au hasard dans les allées qui se présentaient à nous ; tantôt nous nous étendions sur l’herbe odorante, dans les fouillis épais des plantes… Il est de ces heures d’ivresses qui passent, et qu’on se rappelle ensuite toute une vie ; — ivresses du cœur, ivresses des sens, sur lesquelles la nature d’Océanie jetait son charme indéfinissable, et son étrange prestige.

Et pourtant nous étions tristes, tous deux, au milieu de ce bonheur de nous revoir ; tous deux nous sentions que c’était la fin, que bientôt nos destinées seraient séparées pour jamais…

Rarahu avait changé ; dans l’obscurité je la sentais plus frêle, et la petite toux si redoutée sortait souvent de sa poitrine. Le lendemain, au jour, je vis sa figure plus pâle et plus accentuée ; elle avait près de seize ans ; elle était toujours ado-