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…… Je prends l’avenue qui mène au palais. Ce soir elle est déserte. Les bouraos l’ont jonchée de leurs grandes fleurs jaune-pâle et de leurs feuilles mortes. Il fait sous ces arbres une obscurité profonde. Une tristesse inquiète, sans cause connue, me pénètre peu à peu au milieu de ce silence inattendu ; on dirait que ce pays est mort…

J’approche de l’habitation de Pomaré… Les filles de la reine sont là, assises et silencieuses… Quel caprice bizarre a retenu là ces créatures indolentes, qui en d’autres temps fussent venues joyeusement au-devant de nous… Cependant elles se sont parées ; elles ont mis de longues tuniques blanches, et des fleurs dans leurs cheveux ; elles attendent…

Une jeune femme qui se tient debout à l’écart, une forme plus svelte que les autres, attire mon regard, et instinctivement je me dirige vers elle.

— « Aue ! Loti !… » dit-elle, en me serrant de toutes ses forces dans ses bras… et je rencontre dans l’obscurité les joues douces et les lèvres fraîches de Rarahu…