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vint un chat citadin, des mieux éduqués et des plus sociables.


À ce souper sardanapalesque, Rarahu était déjà méconnaissable ; elle portait une toilette nouvelle, une belle tapa de mousseline blanche à traîne qui lui donnait fort grand air ; elle faisait les honneurs de chez elle avec aisance et grâce, — s’embrouillant un peu par instants, et rougissant après, mais toujours charmante. — On me complimentait sur ma maîtresse ; les femmes elles-mêmes, Faïmana la première, disaient : « Merahi menehenehé ! » (Qu’elle est jolie !). — John était un peu sérieux, et lui souriait tout de même avec bienveillance. — Elle rayonnait de bonheur ; c’était son entrée dans le monde des jeunes femmes de Papeete, entrée brillante qui dépassait tout ce que son imagination d’enfant avait pu concevoir et désirer.


C’est ainsi que joyeusement elle franchit le pas fatal. Pauvre petite plante sauvage, poussée dans les bois, elle venait de tomber comme bien d’autres dans l’atmosphère malsaine et factice où elle allait languir et se faner.