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IV

VAÉKÉHU À L’AGONIE.

Un soir, au clair de la lune, comme je passais seul dans un sentier boisé qui mène à la montagne, les suivantes m’appelèrent.

Depuis longtemps malade, leur souveraine, disaient-elles, s’en allait mourir.

Elle avait reçu l’extrême-onction de l’évêque missionnaire.

Vaékéhu — étendue à terre — tordait ses bras tatoués avec toutes les marques de la plus vive souffrance ; ses femmes, accroupies autour d’elle, avec leurs grands cheveux ébouriffés, poussaient des gémissements et menaient deuil (suivant l’expression biblique qui exprime parfaitement leur façon particulière de se lamenter).

On voit rarement dans notre monde civilisé des scènes aussi saisissantes ; dans cette case nue, ignorante de tout l’appareil lugubre qui ajoute en Europe aux horreurs de la mort, l’agonie de cette femme révélait une poésie inconnue, pleine d’une amère tristesse…