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PAYS SANS NOM

des petites femmes qui, sans doute, étaient crochues comme les chiens, car, en me croisant, elles me griffaient de même… Et leur souffle aussi était crochu : quand elles me soufflaient au visage, ça cinglait comme des pointes d’aiguilles…

Mais les mots humains ne peuvent rendre les dessous de cette vision, le mystère et la tristesse de cette plaine ainsi réapparue, tout ce qui s’ébauchait en moi d’inquiétudes désolées rien qu’à contempler ces chétifs arbustes aux longues feuilles pâlies de chaleur…

Quand je m’éveillai, au petit jour timide qui commençait à filtrer à travers les toiles de ma tente, la notion me revint peu à peu des choses réelles, de l’Afrique, du Maroc, des Beni-Hassem, de notre petit campement isolé au milieu d’immenses pâturages déserts ; — alors je reconquis tout de suite une douce impression de chez moi, de sécu-