Page:Loti - Le Livre de la pitié et de la mort, 1897.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
UNE BÊTE GALEUSE

expressifs, avec une intensité extrême, me demandant : « Que me fais-tu ? Toi à qui je me suis confié et que je connais si peu, que me fais-tu ? » Et j’hésitai encore ; mais son cou retomba ; sa pauvre tête dégoûtante s’appuyait maintenant dans ma main que je ne retirai pas ; une torpeur l’envahissait, malgré lui, et j’espérai qu’il ne me regarderait plus.

Si pourtant, une dernière fois ! les chats, comme disent les bonnes gens du peuple, ont l’âme chevillée au corps. Dans un dernier soubresaut de vie, il me fixa de nouveau, à travers son demi-sommeil mortel ; il semblait même avoir maintenant tout à fait compris : « Alors c’était pour me tuer, décidément ?... Et, tu vois, je me laisse faire... Il est trop tard... Je m’endors... »

En vérité, j’avais peur de m’être égaré ; dans ce monde où nous ne savons rien de rien, il ne nous est même pas permis d'a-