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UNE BÊTE GALEUSE

senteur inconnue, finit pourtant par se laisser aller, avec une soumission telle que j’hésitai à continuer mon œuvre. L’anéantissement d’une bête pensante, tout autant que celui d’un homme, a de quoi nous confondre ; quand on y songe, c’est toujours le même révoltant mystère. Et la mort d’ailleurs porte en elle tant de majesté qu’elle est capable d’agrandir un instant, d’une façon inattendue, démesurée, les plus infimes petites scènes, dès que son ombre est près d’y apparaître : à ce moment, je me fis presque l’effet de quelque magicien noir s’arrogeant le droit d’apporter aux souffrants ce qu’il croit être l’apaisement suprême, le droit d’ouvrir, à ceux qui ne l’ont pas encore demandé, les portes de la grande nuit..

Une fois il releva, pour me regarder fixement, sa pauvre tête bientôt morte ; nos yeux se croisèrent ; les siens interrogateurs,