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UNE BÊTE GALEUSE

l’avait attiré doucement, l’avait décidé à se coucher sur du foin bien chaud au fond d’une manne d’osier qui allait devenir sa chambre mortuaire. Nos préparatifs ne l’inquiétaient point ; nous avions roulé une carte de visite en forme de cône, comme nous avions vu faire à des chirurgiens dans des ambulances ; lui nous regardait, l’air confiant et heureux, pensant avoir enfin retrouvé un gîte et des gens qui auraient compassion, de nouveaux maîtres qui le recueilleraient.

Cependant je m’étais baissé pour le caresser, malgré l’effroi de son mal, ayant déjà reçu des mains de Sylvestre le cornet de carton tout imbibé de la chose mortelle. En le caressant toujours, j’essayais de le décider à rester là, bien tranquille, à enfoncer peu à peu son bout de nez dans ce carton endormeur ; lui, un peu surpris d’abord, reniflant avec un vague effroi cette