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UNE BÊTE GALEUSE

un peu, essayent de s’arranger encore, n’ont pas tout perdu dans l’existence. Mais ne plus s’occuper de son aspect, parce qu’il n’y a vraiment plus rien à y faire avant la pourriture finale, cela m’a toujours paru le dernier degré de tout, la misère suprême. Oh ! les vieux mendiants qui ont déjà, avant la mort, de la terre et des immondices sur le visage, les êtres rongés par des lèpres visibles qui ne peuvent plus être lavées, les bêtes galeuses dont on n’a seulement plus pitié !

Il me faisait tant de peine à regarder, ce chat à l’abandon, qu’après lui avoir envoyé à manger dans la rue, je finis un jour par m’approcher pour lui parler doucement. (Les bêtes arrivent très bien à comprendre les bonnes paroles, et y trouvent consolation.) Par habitude d’être pourchassé, il eut d’abord peur en me voyant arrêté devant lui ; son premier regard fut méfiant, chargé