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CHAGRIN D’UN VIEUX FORÇAT


Et, un instant, tout au fond de moi-même, je m’amusai de cette idée, riant de ce bon rire intérieur qui à la surface paraît à peine.

Cependant je n’ai pas donné suite au projet : le lendemain, à mon réveil, la première impression envolée, il m’a semblé enfantin et ridicule. Ce chagrin-là, évidemment, n’était pas de ceux qu’un simple jouet console. Pauvre vieux forçat, seul au monde, le plus bel oiseau du paradis n’eût pas remplacé pour lui l’humble moineau grisâtre, à aile coupée, élevé au pain de prison, qui avait su réveiller les tendresses infiniment douces et les larmes, au fond de son cœur endurci, à moitié mort...


Rochefort, décembre 1889.