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CHAGRIN D’UN VIEUX FORÇAT

mauvaise figure, paraît-il, — mais qui était accouplé par une chaîne à un jeune monsieur ignoble, gouailleur, portant lunettes de myope sur un mince nez blême.

Vieux coureur de grands chemins, arrêté, en cinquième ou sixième récidive, pour vagabondage et vol, il disait : « Comment faire pour ne pas voler, quand on a commencé une fois, — et qu’on n’a pas de métier, rien, — et que les gens ne veulent plus de vous nulle part ? Il faut bien manger, n’est-ce pas ? — Pour ma dernière condamnation, c’était un sac de pommes de terre que j’avais pris dans un champ, avec un fouet de roulier et un giraumont. Est-ce qu’on n’aurait pas pu me laisser mourir en France, je vous demande, au lieu de m’envoyer là-bas, si vieux comme je suis ?... »

Et, tout heureux de voir que quelqu’un consentait à l’écouter avec compassion, il avait ensuite montré à Yves ce qu’il possé-