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RÊVE

sur de trouver. Mais non, rien, nulle part ; dans ma propre vie, rien de pareil…

La tête humaine est remplie de souvenirs innombrables, entassés pêle-mêle, comme des fils d’écheveaux brouillés ; il y en a des milliers et des milliers serrés dans des recoins obscurs d’où ils ne sortiront jamais ; la main mystérieuse qui les agite et les retourne va quelquefois prendre les plus ténus et les plus insaisissables pour les amener un instant en lumière, pendant ces calmes qui précèdent ou suivent les sommeils. Celui que je viens de raconter ne reparaîtra certainement jamais, et reparaîtrait-il même, une autre nuit, que je n’en apprendrais pas davantage au sujet de cette femme et de ce lieu d’exil, parce que, dans ma tête, il n’y a sans doute rien de plus qui les concerne ; c’est le dernier fragment d’un fil brisé, qui doit finir là où s’est arrêté mon rêve ; le commencement et la