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RÊVE


Je dormis longtemps après ce rêve, — une heure, deux heures, je ne sais ; au réveil, au retour des pensées, dès qu’un premier souvenir m’en revint, j’éprouvai cette sorte de commotion intérieure qui fait faire un sursaut et ouvrir tout grands les yeux… Dans ma mémoire, je retrouvai d’abord la vision à son moment le plus intense, celui où tout à coup j’avais songé à elle, en reconnaissant son grand chapeau jeté sur cette chaise, et où, derrière moi, elle avait paru… Puis lentement, peu à peu, je me rappelai tout le reste : les détails si précis de cet appartement déjà connu, cette femme plus âgée entrevue dans l’ombre, cette promenade dans cette petite rue déserte… Où donc avais-je vu et aimé tout cela ? Je cherchai rapidement dans mon passé avec une sorte d’inquiétude, d’anxieuse tristesse, me croyant