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RÊVE

presque l’ineffable et l’infini. Dire que je la reconnaissais serait une expression bien banale et bien faible ; il y avait beaucoup plus, tout mon être s’élançait vers elle, avec une force profonde et comme enchaînée, pour la ressaisir ; et ce mouvement avait je ne sais quoi de sourd, d’affreusement étouffé, comme l’effort impossible de quelqu’un qui chercherait à reprendre son propre souffle et sa propre vie, après des années et des années passées sous le couvercle d’un sépulcre…


Habituellement une émotion très forte éprouvée dans un rêve en brise les fils impalpables, et c’est fini : on s’éveille ; la trame fragile, une fois rompue, flotte un instant, puis retombe, s’évanouit d’autant plus vite que l’esprit s’efforce davantage à