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RÊVE

par un autre que par moi-même : « Alors, c’est qu’elle est rentrée. »

― En effet, ELLE apparaît. Elle, derrière moi, sans que je l’aie entendue venir ; elle, restant dans la partie obscure, dans le fond de l’appartement où ce reflet de soleil n’arrive pas ; elle, très vague comme une esquisse tracée en couleurs mortes sur de l’ombre grise.

Elle, très jeune, créole, nu-tête avec des boucles noires disposées autour du front d’une manière surannée ; de beaux yeux limpides, ayant l’air de vouloir me parler, avec un mélange d’effarement triste et d’enfantine candeur ; peut-être pas absolument belle, mais possédant le suprême charme… Et puis surtout c’était ELLE ! Elle, un mot qui par lui-même est d’une douceur exquise à prononcer : un mot qui, pris dans le sens où je l’entends, résume en lui toute la raison qu’on a de vivre, exprime