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RÊVE

quel jour, de quelle année lointaine et disparue ?

Ces chaises ont aussi un air ancien. Dans l’une d’elles est posé un large chapeau de femme, en paille blanche, d’une forme démodée depuis plus de cent ans. Mes yeux s’y arrêtent et alors l’indicible frisson me secoue plus fort… La lumière baisse, baisse ; maintenant, c’est à peine l’éclairage trouble des rêves ordinaires… Je ne comprends pas, je ne sais pas, — mais, malgré tout, je sens que j’ai été au courant des choses de cette maison et de la vie qui s’y mène, — cette vie plus mélancolique et plus exilée des colonies d’autrefois, alors que les distances étaient plus grandes et les mers plus inconnues.

Et tandis que je regarde ce chapeau de femme, qui s’efface peu à peu, comme tout ce qui est là, dans des gris crépusculaires, cette réflexion me vient, faite en ma tête