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II
AVERTISSEMENT

gretterais trop de m’en priver... Et puis j’ai toujours cette impression que, dans l’espace et dans la durée, je recule les limites de mon âme en la mêlant un peu aux leurs ; quelques instants de plus, après que j’aurai passé, la mémoire de ces frères gardera peut-être vivantes de chères images que j’y aurai gravées.

Ce besoin de lutter contre la mort est d’ailleurs — après le désir de faire quelque bien si l’on s’en croit capable — la seule raison immatérielle que l'on ait d’écrire.


Parmi ceux qui font profession d’étudier les œuvres de leur prochain, il en est bon nombre avec lesquels je n’ai rien de commun, ni les idées ni le langage. Moins que jamais je me sens capable d’irritation contre eux, tant j’ai appris à tenir compte, avant de juger les autres hommes, des différences naturelles ou acquises.

Mais cette fois est la première où leur gouaillerie aurait quelque chance de m’être pénible, si elle parvenait jusqu’à moi, parce quelle pourra