Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neuf heures du soir, par une nuit froide et pure, éclairée d’une belle lune d’hiver.

Dans ce quartier où brillent à peine quelques lanternes, la maison qui nous attend, connue pour les rendez-vous de noble compagnie, est sombre, close, silencieuse, immense : elle a deux étages, très hauts de plafond, et se dresse plutôt tristement sur le ciel étoilé. Nos coureurs nous déversent à la porte, au pied d’un escalier, dans un vestibule minutieusement propre où nous devons dès l’abord quitter nos chaussures,

Aussitôt, des mousmés, qui sans doute nous guettaient à travers les châssis de papier mince, se précipitent du haut de l’escalier sur nos personnes, s’abattent comme un vol de petites fées éclatantes. Il y en a juste autant que d’invités, — et honni soit qui mal y pense, car tout se passera comme dans le monde ; ces dames, des guéchas de renom, que le seigneur à deux sabres nous offre pour la soirée, ont seulement accepté charge de nous distraire, de partager notre dînette, de charmer nos yeux ; rien de plus. Chacun de nous aura la sienne ; chacun