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jendji, et c’est par ce sentier à échelons si raides, qui jadis arrachait tant de soupirs à la petite madame Chrysanthème, quand nous rentrions le soir, avec nos lanternes achetées chez madame L’Heure, après avoir fait la fête anodine dans quelque maison-de-thé. Il me semble que rien n’a changé ici, pas plus les maisonnettes que les arbres ou les pierres.

L’air est doucement tiède, et un petit vent sans malice promène autour de moi des feuilles mortes. Madame Prune, l’avouerai-je, est bien loin de ma pensée ; si je remonte vers son faubourg tranquille, c’est pour dire adieu à des choses, des lieux, des perspectives de mer et des silhouettes de montagne, où quelques souvenirs de mon passé demeurent encore ; je suis tout entier à la mélancolie de me dire que, cette fois, je ne reviendrai jamais, — et ce sentiment du jamais plus emprunte toujours à la Mort un peu de son effroi et de sa grandeur…

Là-haut dans le jardinet de mon ancien logis, dont j’ouvre le portail en habitué, une vieille dame à l’air béat est assise au soleil du soir et