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que chez madame Chrysanthème, les suites d’un pèlerinage trop efficace ?… Non, vraiment je me refuse à le croire… Cependant je vois sortir de chez elle un médecin ; puis deux commères affairées qui ont des visages de circonstance. Et je presse le pas, très perplexe.

L’aimable femme est étendue sur un matelas léger ; les formes, dissimulées par un fton, — qui est une couverture avec deux trous garnis de manches pour passer les bras. — La tête, qui repose sur un petit chevalet en bois d’ébène, me paraît plutôt engraissée, mais avec je ne sais quoi de calmé, de moins provocateur dans le regard. Et je m’étonne surtout du peu d’émotion que paraît causer ma présence.

Deux dames agenouillées s’occupent à lui faire avaler une prière, écrite sur papier de riz qu’elles pétrissent en boule, comme une pilule. Et debout se tient une personne que je n’avais pas vue depuis quinze ans, mais qui certes me reconnaît, et qu’un grain de beauté sur la narine gauche me permet aussi d’identifier au premier coup d’œil : mademoiselle Dédé, l’ancienne servante du ménage Sucre et Prune,