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Les yeux baissés, le visage inexpressif, elles exécutèrent d’abord une sorte de pas tragique, en brandissant des coutelas dans leurs mains frêles. Ensuite, ôtant leur petit chapeau rococo, elles firent un interminable jeu, d’une puérilité niaise. L’une après l’autre, avec des gestes mous et alanguis, elles venaient jeter une balle légère qui devait traverser le gentil portique de carton par un trou percé dans la frise ; lorsque la balle passait bien, les autres poupées, avec mille grâces prétentieuses, s’empressaient à planter une pivoine monstre, comme récompense, dans les faux cheveux de l’adroite petite personne ; si au contraire la balle ne passait pas, la coupable était punie d’une croix noire, que l’une de ses compagnes venait lui tracer à l’encre de Chine sur la joue, avec force mignardises.

À la fin, toutes étaient barbouillées, et toutes avaient, par-dessus l’extravagant chignon, un édifice de fleurs. C’était lassant, hypnotisant, la continuelle répétition des mêmes poses maniérées et des mêmes lenteurs voulues, au son de cette musique coréenne, non plus terrible