Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maris, les frères de ces bibelots de Saxe veulent affronter les armées du tsar !… On n’en revient pas de tant de confiance et d’audace, surtout lorsque dans la rue on voit ces soldats, ces matelots japonais, tout proprets et tout petits, imberbes figures de bébé jaune, passer à côté des lourds et solides garçons blonds qui composent les équipages russes.

Entre chien et loup, devant les tasses de fine porcelaine bleue et les plateaux en miniature, ce petit monde resté assis par terre, immobile à cause de la guitare qui l’enchante et hypnotisé par le paysage artificiel, de plus en plus éteint, sur lequel souvent un peu de neige tombe, — de la neige vraie, dont les flocons paraissent trop grands pour les arbres qui les reçoivent. Madame Renoncule, la notable guécha d’autrefois, retrouve pendant ces heures grises son pouvoir et son charme. Comme il arrivait à madame Chrysanthème sa fille, un changement se fait dans sa figure, qui s’ennoblit ; ses yeux ne sont plus ni puérils ni bridés ; ils reflètent d’insondables rêveries de race jaune, où l’on devine de l’énergie farouche et