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pes, des chimères ; par les trous de ces masques à grimace, luisaient leurs yeux obliques et sortaient leurs cris de fureur ou d’agonie… Et c’est dans les vallées ou les champs de ce gentil pays vert qu’avaient lieu ces scènes uniques au monde : les rencontres et les corps à corps d’armées rivales, vêtues avec cet art démoniaque, alors que les longs sabres si coupants, tenus à deux mains au bout de bras musculeux et courts, décrivaient leurs moulinets en l’air, puis faisaient partout des entailles saignantes, fauchaient ensemble les casques cornus et les figures masquées.

Quel que soit le changement radical survenu de nos jours dans les costumes et les armes, à l’instar d’Europe, un peuple qui, hier encore, a rêvé et confectionné de tels épouvantails, doit garder de la guerre une conception horrible, cruelle et sans merci.