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pitoyable, dès qu’il est boueux, ruisselant et transi. Du reste, on meurt comme mouche, à Nagasaki dans ce moment ; entre deux grains, dès que le soleil d’hiver se montre, les gracieux cortèges de messieurs les morts et de mesdames les mortes se hâtent vers la nécropole de la montagne ; on en trouve parfois deux, trois ensemble, qui s’abordent nez à nez à un carrefour, échangent de suprêmes politesses, font à qui ne passera pas devant l’autre, entravent la circulation et arrêtent par douzaines les pousse-pousse crottés. En tête, marchent toujours quelques bonzes en bonnet archaïque, robe sombre et surplis d’ancien brocart d’or. Ensuite le héros du défilé, le mort lui-même, réduit à sa plus simple expression, porté à l’épaule dans la toujours pareille petite châsse de fine menuiserie blanche. À l’épaule également, plusieurs vases en bois d’où s’échappent, pour dominer la foule, de fantastiques plantes artificielles : lotus gigantesques à pétales d’argent, érables du Japon à feuilles rouges, cerisiers ou pêchers tout en fleurs. Puis, la théorie des dames ou mousmés vêtues de deuil, en blanc