souvenir qu’il fit à Jersey, sa résidence d’exil. « Hier, disait le grand poète de la France, j’étais allé, avec quelques amis chers, visiter cette île, revoir les lieux aimés, les promenades préférées jadis. En revenant, nous avons voulu finir notre visite par ce qui est la fin, par le cimetière.
» Nous avons fait arrêter la voiture qui nous menait devant ce champ de Saint-Jean où sont plusieurs des nôtres. Au moment où nous arrivions, savez-vous ce que nous avons vu ? Une femme, ou, pour mieux dire, une forme humaine sous un linceul noir était là, à terre, plus qu’agenouillée, plus que prosternée, étendue, et en quelque sorte abîmée sur une tombe. Nous sommes restés immobiles, silencieux, mettant le doigt sur nos bouches devant cette majestueuse douleur. Cette femme, après avoir prié, s’est relevée, a cueilli une fleur parmi l’herbe du cimetière, et l’a cachée dans son cœur. Nous l’avons reconnue alors. Nous avons reconnu cette face pâle, ces yeux inconsolables et ces cheveux blancs. C’était une mère ! C’était la mère d’un proscrit ! du jeune et généreux Philippe Faure, mort il y a quatre ans sur la brèche sainte de l’exil. Depuis quatre ans, tous les jours, quelque temps qu’il fasse, cette mère vient là ; depuis quatre ans, cette mère s’age-