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vre, tantôt ouverts, tantôt crispés en grille ; on dirait des collections de bras et de mains, les uns absolument géants, qui seraient appliqués, enchevêtrés, superposés à profusion contre les parois froides. Mais jamais un angle vif, jamais une arête nulle part ; tout est d’un même aspect de crème qui exclut l’idée de dureté : on s’attend à ce que cela cède sous la moindre pression et on est surpris, quand on y touche, par cette rigidité de marbre.

Çà et là un monstre, également blanc, de silhouette inquiétante, se dresse ou s’accroupit, imprévu au milieu d’une allée, ou bien tapi dans un recoin d’ombre…… Et, si l’on songe que la moindre de ces immobiles bêtes a dû demander pour le moins deux mille ans de travail aux Génies décorateurs du lieu, on en arrive à des conceptions de patience, à des conceptions de durée un peu écrasantes pour nos brièvetés humaines……

Ailleurs enfin, c’est la région des grosses formes animales arrondies et molles : entassements de trompes et d’oreilles d’éléphants, monceaux de larves, d’embryons humains à têtes énormes sans yeux, tout le déchet d’on ne sait quels enfantements n’ayant pas pu prendre vie…… Et toujours ces êtres isolés, séparés de la masse confuse des germes, assis n’importe où, membres ballants et oreilles pendantes.


Quand nous revenons dans la première nef, notre guide allume son feu de paille, et l’obscurité lourde s’en va, se recule dans les bas côtés, dans les couloirs profonds d’où nous venons de sortir. À la lueur de cette flamme rouge, la haute voûte de cathédrale se révèle, apparaît toute festonnée et frangée ; les piliers se dessinent, ouvragés