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Le paysan d’Isturitz, qui nous guide, nous ouvre avec une grosse clef, — et tout de suite nous pénétrons dans le mystère des régions souterraines, dans le noir, dans l’humidité froide, dans le silence aux sonorités effrayantes.

Nous descendons dans le gouffre par une pente roide. De plus en plus, au-dessus de nos têtes les plafonds s’élèvent, et les flammes de nos bougies y sont absolument perdues, comme dans les ténèbres d’une cathédrale.

Nous voici dans la grande nef. Au milieu, malgré cette obscurité de rêve où tremblent nos petites lumières, on distingue vaguement quelque chose de gigantesque, qui se dresse dans une pose presque humaine ; c’est tout blanc et laiteux, cela semble un colosse en albâtre qui essaierait de toucher la voûte avec sa tête.

Notre guide jette aux pieds de ce personnage une botte de paille qu’il avait apportée ; tout à l’heure il y mettra le feu, et ce sera le grand spectacle final.

Auparavant il veut nous emmener dans plusieurs galeries latérales où sont pétrifiées toutes les variétés de ces choses ou de ces êtres qui hantent les cauchemars. Les stalactites, aux aspects infiniment changeants, sont groupées là par familles, par formes à peu près semblables, comme si les Génies de la grotte avaient pris la peine de les classer.

Telle galerie est consacrée plus spécialement aux franges légères, si fines quelquefois qu’on les briserait en les touchant ; elles descendent de partout comme une pluie figée, elles pendent de la voûte en guirlandes innombrables : franges de toutes les tailles, très longues ou très courtes, qui se séparent ou s’emmêlent, avec une surprenante diversité de caprice.

Ailleurs, ce sont comme de longs doigts blancs de cada-