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me voici tout près du front, et leurs précieuses existences ne pourraient être risquées ici, à portée des obus de leurs congénères. Ce sont maintenant nos bons territoriaux, aux regards tellement plus honnêtes, qui sont là, courbés sous le brûlant soleil et travaillant avec courage à rendre praticables ces routes, si nécessaires pour nos convois de soldats et de ravitaillement.

À mesure que j’avance, les dévastations s’aggravent autour de moi, et j’entends en crescendo, comme un orage qui se rapprocherait, la musique de la mort, le bruit caverneux de la grosse artillerie, qui par ici, ne cessant ni nuit ni jour, est devenu pour ainsi dire une forme spéciale du silence.


Pendant des lieues, mon auto avait couru à l’ombre ; mais, dans la zone où je viens d’entrer, les arbres séculaires, qui bordaient les routes avec tant de magnificence, ont été sciés par les Barbares à un mètre du sol, et leurs troncs semblent à présent de massives tables rondes, alignées le long de la route. Les canaux que je rencontre, les rivières sont de vrais cimetières de bateaux ;