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L’HORREUR ALLEMANDE

des masques ; est-ce qu’ils seraient jamais capables de garder sur leur figure ces enveloppes étouffantes que les grandes personnes ont à peine le courage de supporter ? Non, et leurs poumons tendres seraient brûlés au premier souffle.

Et puis, aux abords de tous les villages, ces cohues de malheureux qui, par un effort suprême, avaient fini par arriver là, exténués, dans l’espoir d’y trouver au moins l’abri de quelque grange, mais que l’on avait dû laisser dehors parce que tout était plein ; aux entrées des petites rues, ces amas de fuyards, plus lamentables encore par l’entassement, par l’humiliante promiscuité en fouillis des êtres humains, des bêtes et des choses : vieilles charrettes dételées, hardes et matelas déjà souillés par la terre des routes ; aïeules à bout de forces, à moitié ensevelies parmi de la paille sordide, nourrissons qui hurlaient de souffrance et de mouillure ; serins en cage, chats du foyer que l’on avait voulu emmener et qui miaulaient longuement la faim dans leur panier… Pauvre humanité qui hier encore était gaie et prospère, mais qui, de par l’ambition enragée