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L’HORREUR ALLEMANDE

leux, des nuits tranquilles et douces, bienveillantes à ceux qui tomberaient d’épuisement pour se coucher en tas, n’importe où, à la belle étoile, au bord du chemin…



Confiants, oui ; mais quand même je revois toujours quelques-uns de ces regards de détresse infinie, que j’aimerais mieux n’avoir jamais croisés. Je revois cette femme encore jeune, qui surgit tout à coup d’un fossé, me présentant un misérable petit être de quelques mois, qu’elle allaitait malgré la faim et qui avait la figure crispée à force de pleurer. Qui sait, peut-être naguère encore avait-elle été heureuse et aimée ? — « Monsieur, dit-elle, vous le voyez, mon petit ; il pleure parce qu’il a tout mouillé ses langes, et je n’ai pas de quoi le changer. Oh ! monsieur, faites-moi donner une couverture, n’importe quel vieux morceau de couverture pour l’envelopper. Autrement, s’il reste dehors comme ça toute la nuit, vous pen-