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L’HORREUR ALLEMANDE

tinés malgré tout à s’accrocher aux vieilles demeures héréditaires. Avant les rafales d’artillerie, ils avaient été attaqués par tous ces horribles procédés de la science moderne dont l’Allemagne n’a pas craint d’inaugurer l’emploi contre nos villes ouvertes, contre nos vieillards, nos femmes et nos enfants. D’abord étaient venus les grands oiseaux d’acier, pour terroriser, pour empoisonner l’air respirable, commencer de tuer et de démolir ; du fond des caves de refuge, on les entendait qui passaient très bas, plus bas que jamais, presque à raser les toits comme par ironie, pour faire davantage frémir avec le bruit infernal de leur vol ; leur ronronnement tout proche servait de basse constante au fracas déchirant de leur mitraille… Oh ! le bruit, rien que le continuel excès de bruit, il faut avoir connu cela pour comprendre que c’est déjà un genre de torture… Enfin, bon gré mal gré, il avait fallu partir, car décidément les Boches arrivaient. Partir, puisque ce serait demain l’orgie, le viol et le massacre ; fuir et en toute hâte, quand les voies ferrées étaient déjà détruites, partir dans les plus impossibles carrioles, ou bien