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planète. Si les troupes de Napoléon Ier ressuscitaient pour regarder ce qui se passe à notre époque, et si on leur disait que c’est un simple champ de bataille, ils jugeraient avec raison que tous les combats qu’ils ont livrés n’étaient que jeux d’enfants auprès de ceux qui ont dû se dérouler ici.

La vue plonge profondément de tous côtés, et rien n’apparaît qui ne soit saccagé, comme par des trombes ou d’innombrables petites éruptions volcaniques. Il ne reste plus quoi que ce soit ayant forme de quelque chose. Tout ce qui était village ou métairie n’est plus qu’éboulement de pierres, et les bois, les allées, les beaux arbres qui avaient duré des siècles ont pris l’aspect de moignons de balais fichés dans le sol. L’imagerie d’ailleurs a vulgarisé et fixé à jamais l’horreur de tout cela, pour l’éternelle honte du kaiser allemand… Hier, une vraie mer de fumée couvrait toute cette région de notre pays, et on y entendait, sans aucune trêve, le grondement d’un tonnerre formidable. Aujourd’hui ce vent d’équinoxe a nettoyé l’atmosphère empestée, et le vacarme de fin de monde achève de s’apaiser. Il y a bien encore des