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la planche inverse, qui me fera contrepoids, aura commencé de redescendre de là-haut ; elle ramène cette fois, paraît-il, un malade, évacué des postes extrêmes vers l’ambulance, et nous nous croiserons à mi-chemin. Tout cela semble très naturel à ces hommes qui vivent ici, qui à toute heure du jour ou de la nuit circulent dans le vide comme chez eux, et pour aller se battre, pour courir à leurs aventures au-dessus des nuages. Désirant me faire plus d’honneur, ils apportent une couverture de soldat qu’ils étendent sur la planche aérienne, et le départ a lieu, sans la moindre secousse, — à part une trépidation légère, — même sans le moindre bruit, — à peine le crissement discret du frêle câble qui m’entraîne dans l’espace. Aussitôt les groupes d’Alpins fuient rapidement au-dessous de moi. Ensuite ce sont les pics, les rochers en aiguilles, par-dessus lesquels je file comme un oiseau qui plane, ils ont l’air de s’enfoncer les uns après les autres, de se dissoudre dans les entrailles de la terre…

Au bout de cinq minutes environ, je croise de tout près la planche inverse, qui redescend avec son triste fardeau. Il passe, il plonge, le