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dans des réservoirs ; on y vivait à moitié noyé dans un liquide ou dans une boue ferrugineuse de couleur inquiétante, et ceux qui en sortaient, même les non blessés, étaient, de la tête aux pieds, rougeâtres, méconnaissables, pareils à de pauvres êtres tout sanguinolents.

Non, jamais partie plus difficile n’a été jouée ; aucun champ de bataille n’aura été plus infernal. Le moindre coup de main exigeait ici, et exige encore, de longues et opiniâtres préparations ; dans notre France, on ne le sait pas assez. Il a fallu avancer pas à pas, arracher le terrain morceau par morceau, bondir comme des chats pour enlever la moindre croupe de montagne. Au début des offensives, quand les assaillants n’avaient absolument rien pour se couvrir, ils montaient, ils montaient avec une merveilleuse audace, emportant chacun son petit sac de terre pour se protéger un peu contre les balles, et tant de fois, quand ils avaient péniblement gagné quelques mètres d’altitude, une rafale d’artillerie, venue de quelque sommet, les décrochait en masse, et tout roulait pêle-mêle dans l’abîme, les soldats grimpeurs, avec