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putiennes, ayant des vêtements inouïs et des coiffures qui leur font d’énormes têtes de sphinx. Ces costumes qu’elles portent, on ne les a jamais vus nulle part, ni dans les rues d’aucune ville japonaise, ni sur les écrans, ni sur les images ; ils sont, paraît-il, de tradition immémoriale pour la cour et ne se montrent point ailleurs.

Babouches de Cendrillon, d’un rouge merveilleux ; pantalons de soie écarlate, larges, bouffants, s’élargissant par le bas d’une manière démesurée et se tenant tout debout, leur faisant à chaque jambe comme une jupe à crinoline dans laquelle leur marche s’entrave avec de grands frou-frous. Par là-dessus, une espèce de camail à la prêtre, blanc ou gris perle, semé de rosaces noires ; l’étoffe en est magnifique, lourde, et d’une excessive rigidité de brocart. Tout le vêtement tombe, d’un seul pli raide, depuis le cou très mince jusqu’à la base très large de ces femmes-idoles ; leurs petits corps mièvres, leurs petites épaules fuyantes, qui sont probablement dessous, ne se devinent à aucun contour ; et leurs petits bras, leurs petites mains frêles, sont perdus dans de longues manches pagodes qui descendent de droite et de gauche, tout d’une pièce, comme des cornets renversés. (Vues de près, ces rosaces noires, semées sur ces camails clairs, représentent des monstres, des oiseaux, des feuillages arrangés en rond ; elles varient pour chaque personne, et sont