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par chacune de ses fenêtres, éclairant comme une maison transparente.

Eh bien, il n’est pas beau, le Rokou-Meïkan. Bâti à l’européenne, tout frais, tout blanc, tout neuf, il ressemble, mon Dieu, au casino d’une de nos villes de bains quelconque, et vraiment on pourrait se croire n’importe où, à Yeddo excepté. Cependant de grandes banderoles étranges, aux armes du Mikado, flottent légèrement alentour ; maintenues par des cordes invisibles, très éclairées sur le fond sombre du ciel par les mille lumières d’en bas, elles sont de crépon violet (la couleur impériale), semées de ces larges chrysanthèmes héraldiques qui, au Japon, équivalent à nos fleurs de lis. Et puis il y a une note bizarre, donnée aussi par ces arrivées à toutes jambes de coureurs essoufflés, jetant de minute en minute sur le perron d’entrée un danseur isolé, une danseuse toute seule. Singulier bal où chaque invité, au lieu de se rendre en voiture, est amené dans une brouette, par un diablotin noir.

Dans les vestibules, où le gaz flamboie, s’empressent des valets en habit noir, assez correctement cravatés, mais ayant de drôles de petites figures jaunâtres presque sans yeux.

Les salons sont au premier étage, et on y monte par un large escalier que borde une triple haie de chrysanthèmes japonais dont rien ne peut donner l’idée dans nos parterres d’automne : une