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les uns les autres, avec des vitesses inégales et des soubresauts. Nos coureurs poussent des cris et s’emballent. Nous sommes très nombreux, un long cortège affolé ; on a multiplié les invitations pour ce bal, où, bien entendu pourtant, le Mikado et encore moins son invisible épouse ne doivent paraître ; il y aura par exemple tout le grand monde nippon, et je suis très curieux de ces comtesses et de ces marquises que je vais voir là pour la première fois, et en décolleté de soirée.

Trois quarts d’heure environ cette course dure, dans des quartiers de banlieue peu éclairés et solitaires. Autour de nous, cela ne ressemble plus à la place de la gare ; c’est bien du vrai Japon qui défile maintenant très vite, de chaque côté de ces rues ou de ces routes, dans la nuit noire : maisonnettes de papier, pagodes sombres ; échoppes drôles, lanternes saugrenues jetant de loin en loin dans l’obscurité un petit feu de couleur.

Enfin, enfin, nous arrivons. À la file, nos chars passent sous un portique ancien dont la toiture se retrousse par les pointes, à la chinoise ; nous voici en pleine lumière, au milieu d’une sorte de fête vénitienne, au milieu d’un jardin prétentieux où d’innombrables bougies brûlent dans des ballons de papier sur des girandoles et, devant nous, se dresse le Rokou-Meïkan, très illuminé, ayant des cordons de gaz à chaque corniche, jetant des feux