Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

costume comme une devise funéraire sur un catafalque. Avec des gestes macaques, ils se tapotent sur les jarrets, pour nous faire admirer combien les muscles en sont durs ; nous tirant par les bras, par les manteaux, par les jambes, ils se disputent nos personnes avec violence.

Il y a bien quelques équipages aussi, qui attendent les dames officielles des légations. Mais la foule s’en écarte avec crainte, comme de systèmes de locomotion nouveaux, un peu risqués ; on en tient les chevaux à deux mains comme des bêtes dangereuses.

Nous sautons presque tous dans les petits chars à une place que ces coureurs nous offrent ; inutile de leur dire où il faut nous mener : au Rokou-Meïkan, cela va de soi ; et ils partent comme des fous, sans attendre nos ordres. Chaque belle invitée, à peine assise sur son siège étroit, avec sa robe de bal relevée sur les genoux, est entraînée séparément, à toutes jambes, par son coureur de louage. Le mari ou le monsieur protecteur qui l’accompagnait, monté sur un petit char pareil, est entraîné de son côté, à une allure différente. Nous roulons tous dans la même direction, c’est la seule chose rassurante pour les dames seules que ces diablotins emportent ; mais cela ressemble à une espèce de débandade échevelée, où il n’y a plus ni familles ni groupes.

Nous nous poursuivons, nous nous dépassons