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mand. Tout ce qu’il y a de moins japonais, ce départ de huit heures trente.

Une heure de route, et ce train de bal s’arrête à Yeddo.

Ici, c’est une autre surprise. Est-ce que nous arrivons à Londres, ou à Melbourne, ou à New-York ? Autour de la gare se dressent de hautes maisons en brique, d’une laideur américaine. Des alignements de becs de gaz laissent deviner au loin de longues rues bien droites. L’air froid est tout rayé de fils télégraphiques et, dans diverses directions, des tramways partent avec des bruits connus de timbres et de sifflets.

Cependant une nuée de bonshommes étranges, tout de noir vêtus, qui avaient l’air de nous guetter, se précipitent à notre rencontre : ce sont les djin-richi-san, les hommes-chevaux, les hommes-coureurs. Ils s’abattent sur nous comme un vol de corbeaux, la place en est obscurcie ; chacun traînant derrière lui son petit char, ils bondissent, crient, se bousculent, nous barrant le passage comme une armée de diablotins en gaieté. Ils portent la culotte collante, dessinant les cuisses comme un maillot ; veste collante aussi, courte, à manches pagodes ; chaussures d’étoffe, à orteil séparé se relevant en pouce de singe ; au milieu de leur dos, une inscription en grandes lettres chinoises blanches tranche sur tout ce noir du