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et plus désertes du faubourg qui avoisine le chemin de fer.

Tout à coup, Kalakawa pousse un cri d’oiseau, auquel mon petit char s’arrête net, avec un soubresaut très dur ; au fond d’une échoppe encombrée de planchettes de sapin, il vient d’apercevoir le bonhomme qu’il me faut.

Alors je me présente là dedans, tenant toujours en main ces grands lotus. Un vieux Nippon se précipite, empressé, avec des révérences, qui prend mes fleurs, les compte, les mesure, combine de rapides calculs ; ça va me coûter douze sous pour la caisse : de plus, il faudra au moins trois autres sous pour l’ouate, ce qui fera bien quinze !

Et il me regarde, anxieux, se demandant si je ne vais pas me révolter de ce vol exorbitant. Mon Dieu, non ; je suis même tellement satisfait de la rencontre de ce bonhomme que j’accepte d’un air gracieux, en recommandant de faire au plus vite. Alors c’est une joie dans toute la famille ; pendant que la chose se scie, se cloue, se confectionne au moyen de petits instruments primitifs avec une prestesse de singe, on m’apporte des coussins pour m’asseoir, une tasse de thé, et les deux tout petits mouskos[1] de la maison, qui sont des bébés joyeux, jolis et propres. En même temps, dans la rue, un rassemblement de mousmés s’est formé

  1. Mousko, petit garçon. Mousmé, jeune fille.