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De chaque côté de cette grande loge centrale, s’étendent les gradins des mille dieux, cinq cents à droite, cinq cents à gauche, debout et alignés, étagés sur dix rangs et occupant autant d’espace qu’un corps d’armée. Tous pareils, dans une symétrie interminable ; de taille surhumaine, étincelants d’or de la tête aux pieds, et ayant chacun quarante bras. De toutes les hautes coiffures entourées d’auréoles, s’élancent les mêmes rayons d’or ; les mêmes vêtements d’or serrent étroitement tous les reins avec une rigidité égyptienne. Chacun d’eux sourit doucement du même mystérieux sourire, et tient six ou huit de ses mains jointes dans l’attitude calme de la prière, tandis que ses autres paires de bras, déployées en éventail, brandissent en l’air des lances, des flèches, des têtes de morts, des symboles inconnus.

Dans la pénombre de leur demeure, ils sourient, les dieux, regardant tous du même côté, au fond des régions qui n’existent pas, attendant toujours, avec la patience des éternels, ce prodigieux spectacle pour lequel ils se sont sans doute rassemblés. Leur armée immobile resplendit tranquillement jusque dans les lointains du temple, toute hérissée de piques, de rayons et de nimbes d’or.

Et à la fin, c’est une fatigue et une obsession de penser que ces attentes, ces sourires, l’éclat de