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s’ébauchent au passage, et auxquelles je réponds par des petits saluts de tête avec une envie de rire.

En haut, une longue véranda à colonnes, sur laquelle le temple est complètement ouvert. On s’assied sur des nattes blanches, très encombrées par les petites boîtes à fumer des dames. Une balustrade, qui coupe le temple en son milieu, sépare les fidèles des bonzes ; ceux-ci se tiennent accroupis dans la partie intérieure, déjà un peu obscure et mystérieuse, qui leur est réservée ; ils sont vêtus de blanc, et coiffés d’un casque noir. Derrière eux, une seconde balustrade, au-dessus de laquelle brillent, sur des étagères d’au moins cinquante mètres de long, des amoncellements de vases sacrés et d’emblèmes. C’est bien un temple du culte shintoïste pur ; on n’aperçoit nulle part aucune figure bouddhique, aucune représentation humaine ni animale, et cela repose et change, après ces prodigieuses débauches d’idoles auxquelles on était habitué ailleurs ; parmi les brûle-parfums et les vases, aucune tête grimaçante ; rien que ces miroirs ronds, en acier poli, qui symbolisent la vérité.

Comme les autres fidèles, je jette dans l’enceinte des bonzes quelques pièces de monnaie ; il y en a tant déjà, que les nattes en sont jonchées, couvertes ; mais les prêtres, qui les ramasseront ce soir avec des râteaux, ne semblent pas les voir. Mon offrande fait bien dans le public ; on