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En payant deux sous, on a le droit de faire le tour du « Grand-Bouddha » ; on monte par des pentes de bois très raides qui vous font passer derrière la tête du colosse, un peu plus haut que sa nuque. Je m’engage là dedans, en compagnie toujours de la famille voyageuse ; c’est glissant, cette pente, c’est vieux, crevassé, vermoulu ; les dames manquent de tomber, j’avance la main pour les soutenir et nous voilà tout à fait amis. Derrière cette tête énorme, dans un recoin sombre, un vieux bonze se tient accroupi ; pour un sou il nous montre une armure et un masque de guerre ayant appartenu au grand Taïko-Sama ; puis nous ouvre de très antiques armoires à idoles où sont conservées des divinités à tête d’animal, des reliques de sinistre aspect. Là, on ne rit plus.

Dans la cour de ce temple est la plus monstrueuse de toutes les cloches de Kioto : au moins six ou huit mètres de tour. On la sonne au moyen d’une énorme poutre garnie de fer, sorte de bélier suspendu horizontalement par des cordes.

Pour deux nouveaux sous, on a le droit d’expérimenter la chose : je m’attelle aux courroies, alors on fait cercle et les enfants accourent. Deux ou trois jeunes filles viennent même bien vite s’atteler derrière moi, pour m’aider, me gênant beaucoup, pouffant de rire, tirant à rebours, faisant ensemble à peu près la force de trois bons chats.

Cependant le bélier cède, peu à peu se met en