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d’effacement très doux ; avec ce silence et cette solitude, on dirait la demeure enchantée de quelque « Belle au bois dormant », princesse d’un monde inconnu, d’une planète qui ne serait pas la nôtre.

Nous passons devant des petits jardins intérieurs qui sont, suivant l’usage japonais, des réductions en miniature de sites très sauvages. Contrastes inattendus au milieu de ce palais d’or. Là encore le temps a passé, verdissant les petits rochers, les petits lacs, les petits abîmes ; effritant les petites montagnes, donnant un air réel à tout cela qui est minuscule et factice. Les arbres, créés nains par je ne sais quel procédé japonais, n’ont pas pu grandir ; mais ils ont pris un air de vétusté extrême. Les cycas sont devenus à plusieurs branches, à force d’être centenaires ; on dirait des petits palmiers à tronc multiple, des plantes antédiluviennes ; ou plutôt de massifs candélabres noirs, dont chaque bras porterait à son extrémité un frais bouquet de plumes vertes.

Ce qui surprend aussi, c’est l’appartement particulier qu’avait choisi ce Taïko-Sama, qui fut un grand conquérant et un grand empereur. C’est très petit, très simple, et cela donne sur le plus mignon, le plus maniéré de tous les jardinets.

La salle des réceptions, qu’on me montre une des dernières, est la plus vaste et la plus magnifique. Environ cinquante mètres de profondeur