artistes célèbres du grand siècle japonais ont peint des choses inimitables. Chaque salle a été décorée par un peintre différent, et illustre, dont le bonze me cite le nom avec respect. Dans l’une, ce sont toutes les fleurs connues ; dans l’autre, tous les oiseaux du ciel, toutes les bêtes de la terre : ou bien des chasses et des combats, où l’on voit des guerriers, couverts d’armures et de masques effrayants, poursuivre à cheval des monstres et des chimères. La plus bizarre assurément n’est décorée que d’éventails : des éventails de toutes les formes, de toutes les couleurs, déployés, fermés, à demi ouverts, jetés avec une grâce extrême sur la fine laque d’or. Les plafonds, également laqués d’or, sont à caissons, peints avec le même soin, avec le même art. Ce qu’il y a de plus merveilleux peut-être, c’est cette série de hautes frises ajourées qui règne autour de tous les plafonds ; on songe aux générations patientes d’ouvriers qui ont dû s’user pour sculpter dans de telles épaisseurs de bois ces choses délicates, presque transparentes : tantôt ce sont des buissons de roses, tantôt des enlacements de glycines, ou des gerbes de riz ; ailleurs des vols de cigognes qui semblent fendre l’air à toute vitesse, formant avec leurs milliers de pattes, de cous tendus, de plumes, un enchevêtrement si bien combiné, que tout cela vit, détale, que rien ne traîne ni ne s’embrouille.
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